La récupération d’eaux grises dans les bâtiments suisses : un levier pour économiser l’énergie et préserver les ressources

La récupération d’eaux grises dans les bâtiments suisses : un levier pour économiser l’énergie et préserver les ressources

Comprendre la récupération des eaux grises : une solution durable pour les bâtiments en Suisse

En Suisse, la transition énergétique et la préservation des ressources environnementales sont au cœur des préoccupations. Dans ce contexte, la récupération des eaux grises apparaît comme une solution à fort potentiel. Elle consiste à réutiliser partiellement les eaux usées domestiques, provenant notamment des douches, baignoires, lavabos ou machines à laver, à des fins non potables. Cette technologie permet non seulement d’économiser l’eau, mais aussi de récupérer l’énergie thermique contenue dans ces eaux tièdes.

Alors que la consommation d’eau potable reste élevée – environ 160 litres par jour et par habitant en Suisse – la valorisation des eaux grises devient un des leviers majeurs pour optimiser la gestion des ressources dans le secteur du bâtiment.

Quels types d’eaux sont concernées par la récupération des eaux grises ?

Les eaux usées domestiques peuvent être catégorisées en trois types :

  • Eaux noires : issues des toilettes, elles sont très chargées et ne sont pas adaptées à la réutilisation sans traitement complexe.
  • Eaux grises : légèrement polluées, elles proviennent des usages hygiéniques (douches, lavabos), du lavage (linge, vaisselle) et peuvent être traitées plus facilement.
  • Eaux pluviales : ce sont les eaux de pluie, également récupérables pour certains usages, mais elles obéissent à d’autres normes.

Dans le cadre de bâtiments résidentiels ou tertiaires en Suisse, la récupération des eaux grises vise essentiellement les effluents de salle de bain, car leur charge polluante est faible et leur température plus élevée, ce qui simplifie leur traitement et favorise la récupération de chaleur.

Les avantages énergétiques de la récupération des eaux grises

Chaque litre d’eau grise contient une quantité d’énergie thermique non négligeable. En moyenne, les eaux usées issues d’une douche sortent à environ 35°C. Laisser cette chaleur partir à l’égout revient à gaspiller une ressource énergétique gratuite. Grâce aux systèmes de récupération de chaleur sur eaux grises, on peut préchauffer l’eau froide entrant dans le système, réduisant ainsi la consommation d’énergie pour le chauffage de l’eau sanitaire.

En Suisse, où le chauffage de l’eau représente environ 15 à 20 % de l’énergie consommée au sein des foyers, cette optimisation s’inscrit dans une logique d’efficience énergétique. Couplée à des sources de chaleur renouvelables comme les pompes à chaleur ou les panneaux solaires thermiques, la récupération thermique des eaux grises constitue un pas de plus vers l’autonomie énergétique des bâtiments.

Réutilisation des eaux grises pour des usages non potables

Outre la récupération de chaleur, les eaux grises peuvent être filtrées et réutilisées pour des usages non potables :

  • Alimentation des chasses d’eau des toilettes
  • Arrosage des espaces verts
  • Nettoyage des ménagements extérieurs

Cette réutilisation des eaux grises permet de réduire la pression sur les ressources en eau potable, tout en diminuant les volumes d’eaux usées à traiter dans les stations d’épuration. Dans les collectivités et les bâtiments publics, cela peut générer des économies considérables sur les factures d’eau.

Installation dans les bâtiments suisses : cadre réglementaire et technique

En Suisse, l’utilisation des eaux grises est encadrée par les prescriptions sanitaires cantonales, la norme SIA 385/5 et les directives de l’Office fédéral de l’environnement (OFEV). Ces normes imposent des exigences strictes en matière de traitement, de séparation des réseaux d’eau potable et d’entretien des installations.

Il existe deux grandes catégories de systèmes :

  • Systèmes de récupération de chaleur passive : tubes d’échange thermique souvent intégrés à la douche ou au système d’évacuation.
  • Unités de traitement et de stockage : dispositifs mécaniques et biologiques qui filtrent, désinfectent et redistribuent l’eau pour des usages secondaires.

Dans le cadre d’un bâtiment neuf, intégrer un système de gestion des eaux grises est plus simple et plus économique. En revanche, la rénovation implique souvent des contraintes techniques liées à l’aménagement des tuyauteries, mais reste envisageable, notamment dans les logements collectifs ou les établissements publics.

Un levier pour certifier les bâtiments durables

La mise en place d’un système de récupération des eaux grises peut contribuer à l’obtention de certifications environnementales suisses et internationales telles que Minergie-ECO, SNBS (Standard de Construction Durable Suisse) ou encore LEED. En réduisant les consommations d’eau et d’énergie, le bâtiment renforce son efficacité énergétique globale.

Les gestionnaires immobiliers et les promoteurs peuvent également valoriser ces installations dans leur stratégie ESG (Environnement, Social, Gouvernance) et auprès des investisseurs sensibles aux bâtiments bas carbone.

Coûts, retour sur investissement et incitations en Suisse

Le coût d’un système de récupération d’eaux grises varie selon sa complexité, sa capacité et le type de bâtiment. Pour une maison individuelle, il faut compter entre 5 000 et 15 000 CHF, tandis que pour un immeuble locatif ou un ERP, l’investissement peut se chiffrer entre 20 000 et 50 000 CHF.

Le retour sur investissement dépend de plusieurs facteurs comme la consommation d’eau, le prix local de l’eau et la proportion d’énergie économisée. En général, il est estimé entre 5 et 10 ans. Certaines communes ou cantons suisses proposent des subventions ou des soutiens financiers dans le cadre de leurs programmes d’économie d’eau, d’énergie ou de rénovation énergétique. Il est conseillé de se renseigner auprès des autorités locales ou des services de l’eau.

Perspectives et innovations dans la filière

Le marché de la récupération des eaux grises évolue rapidement. Les nouvelles technologies intelligentes facilitent l’automatisation et la surveillance des systèmes, avec des capteurs optimisant la qualité de l’eau et le rendement énergétique. De plus en plus de projets de construction incluent ces solutions dès la phase de conception.

La Suisse, en tant que pays engagé dans la lutte contre le changement climatique et la préservation de ses ressources hydriques, trouve dans cette approche un allié de poids. Un déploiement plus large et soutenu de la récupération des eaux grises pourrait devenir un standard dans la construction durable helvète.

En favorisant la mise en œuvre de solutions écologiques et économes en énergie, les acteurs du bâtiment participent activement à la transition vers un habitat plus résilient et responsable. La récupération des eaux grises s’impose alors non seulement comme une innovation technique, mais comme une nécessité écologique pour les décennies à venir.